« il y a »

Et c’est bien là ce qui ne cesse de me surprendre, WWWWWWWWWWW W W ou plutôt, ce qui, tant je m’oublie dans mes habitudes, ne me surprend plus alors que cette si courte phrase dit tout l’étrange de ma situation d’être.

« il y a », je veux dire: il y a, ici et maintenant, une impérieuse présence qui appelle mon attention. C’est à dire que, ici et maintenant, quelque chose se fait jour à ma conscience tout en donnant jour à ma conscience, que, ici et maintenant, quelque chose, dans son présent, se présente comme un présent, comme un don.

Que ce quelque chose soit le monde ou la plus insignifiante de ses composantes, ce qui éveille ma conscience à un monde vivant, ce n’est pas cette chose, c’est sa donation du présent qui lui est toujours co-présente et qui me rend, moi-même, co-présent, qui me rend, moi-même présent.

Donation du présent que je perds dans l’inévitable appropriation de cette chose – mais est-ce inévitable ? – reléguant cette présentification (pourtant toujours présente) dans un passé, ne me laissant plus que la seule chose, inerte, qui ne me dit plus la surprise de la vie surprise. « … la surprise [de l’événement] c’est d’avoir à faire au présent comme tel, à la présence du présent en tant qu’elle arrive. »[1]

 

« il y a – maintenant »,

que JF Lyotard[2] écrit : « il arrive », tant, de même que Nancy, il relève le caractère surgissant de la mise en présence du « il ».

Tant ce qui importe, ce qui m’emporte, ce n’est pas ce qu’il y a,  le « il » du « il y a » ou du « il arrive » qui ne m’est qu’une simple curiosité, ni même son sens, c’est, pour le dire avec Lyotard et Nancy : l’avènement de l’événement, l’« apparaître » du monde. WWWWWWWWWWWWWWWWWWWwWWWWWW [ . . . ]

« il y a maintenant », « il arrive » deux formulations pleines de subtilités, mais qui disent toutes deux ce que, en objectivant le monde, je perds – « ce que nous n’arrivons pas à penser c’est que quelque chose arrive »[3].

Expérience de la surprise qui me fait être ; peut-être même expérience de l’être (ce par où l’étant est), mais expérience que, dans la compréhension de nos vies comme une suite narrative, nous manquons, sauf, peut-être, sous le choc de la raison confrontée à ce qui la dépasse – devant le sentiment que provoque le risque de la mort quand sa prise en considération  nous pousse  sur  la  voie  de  la réaction  où  plus  rien  n’a  de  sens  sinon  celui  de l’im-média, celui du pur présent non saisi en tant qu’objet mais enfin vécu. WWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWW [ . . . wwwwwwwwwwwwww] Ce qui se joue dans de tels moments c’est bien la prise de conscience de notre finitude et dans la tentative de son dépassement, le « senti » de notre être qui se révèle devant la découverte d’un possible infini. [ . . . ] Www Infini qui se présente en négatif au moment où la pensée (l’imagination en terme kantien) bloquée ne peut plus que se concevoir elle-même qu’en tant que pensée limitée.WWWWWWWWWWWWWWWWWWwwwW WWWWWWWW [ . . . ] WWWWWWWWWWWWWWWwwwwWWWWWWWWWWWWWWWW « il arrive » même si, ou peut-être parce que Lyotard le dit être « Le choc par excellence, [c’est qu’il arrive (quelque chose) au lieu de rien, la privation suspendue]. »[4] se comprend comme rupture dans la temporalité, or il n’est choc (ou surprise) que d’être l’étonnement d’une pensée (d’une imagination) qui se voit défaillante face à la contingence de l’événement.

Ce qui provoque ce « déréglage de la pensée »[5] ce n’est pas seulement le « il arrive », c’est aussi le dévoilement de cet infini qui ne se laisse penser qu’en négatif derrière le jaillissement de cette absolue contingence, le « il arrive », et qui participe pleinement au processus déclenchant le sentiment de sublime.

Si « il arrive » précise que le monde n’est qu’en tant qu’événement, « il y a », parce qu’il y a du locatif en lui, pose la question de son lieu … Un lieu qui semble bien ne pouvoir être un locatif.

 

« Il y a – ici »

Le présent dans son avoir lieu, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit, déploie son lieu ; c’est son ici. WWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWwwWWW Ici, pas de choc, du moins en apparence. Le lieu m’est familier : wWWW WW [ . . . ] WWWWwwWWWWWWWWWWWWWWWWWwwwwwwwwwwwwww Les choses, les êtres, dans leur apparaître, déploient leur lieu en un lieu qui avant cela ne l’était pas, du moins pas celui-ci.

Ce qui n’est pas encore ce lieu-ci, qui ne le devient que dans l’avoir lieu d’un être ou d’une chose, semble être lui-même un lieu. A le considérer comme tel, il ne peut l’être qu’en tant que lieu vide – paradoxalement pour ce qui est d’un lieu. WWWWWwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww Lieu de tous les lieux, donnant ouverture à l’apparaître du monde, il est le fond co-existant à toute chose, à tout être : il est le lieu de toutes présences, le « théâtre du monde » sur la scène duquel jouent tous les « il » de tous les « il y a ». WWwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwWWWW Il est le « y ». WWWWWwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww Ce « y » n’est pas un lieu, même vide ; il est l’indéterminé, il est le vide. www [ . . . ] wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww Lieu sans lieu d’où le monde surgit, mais en lui toujours co-existant, le vide, toujours là, avant même d’être là, ne saurait avoir un temps, passé, présent ou futur. wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww [ . . . ]

 

Le simple être là

[ . . . ] wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww Pour l’humain, la simple présence, c’est se renouveler sans cesse à partir de ce « fond que nul n’existe mais sans lequel il n’y a rien à exister » [6] et qui ne se laisse penser que négativement, dans le comble de présence qui envahit la conscience.

Pour l’œuvre d’art, la simple présence c’est se maintenir dans cet « instant discret qui vient du néant », de ne se révéler être que dans son apparaître. Une œuvre artistique n’est jamais tant une œuvre d’art que quand elle prend le risque de sa naissance au public. wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww Elle y court deux dangers : son rejet et son acceptation ; non que l’art se doive, d’une part, de faire consensus, et/ou d’autre part, d’être en effraction à un quelconque code, ou encore de courir le risque du nouveau, mais parce que tout deux pourraient en être la mort : le rejet, c’est le risque de l’oubli ; la reconnaissance, c’est le risque de sa naissance consommée, de la tension résorbée.

Il en est de l’art comme de nos vies, étouffés par la banalisation, ils tendent à se chosifier, cette tension à l’œuvre dans l’œuvre, vient soutenir l’art en l’œuvre, vient agiter son « être » afin de le garder toujours présent en son propre apparaître. wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww [ . . . ] wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww La présence, c’est ce qui nous désigne, dans une allusion indirecte et troublante l’événement minimal de la chose : l’instant fragile de son apparition, son « apparaître ». wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww [ . . . ] wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww On pourrait dire : apparaître c’est, entre ciel et terre, être là, à partir d’un soi qui prend corps en lieu et temps de l’apparition et qui, avant cela, n’étaient pas. wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww Apparaître, c’est « il arrive » dans et par le vide, et c’est ce que nous ne pouvons penser[7]. wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww Et c’est ce que nous ne pouvons représenter, mais, peut-être, présenter par l’intermédiaire d’un comble de présence.

 



[1] Jean Luc NANCY, la surprise de l’événement,  Etre singulier pluriel, Paris, Galilée, 1996. retour

[2] Jean-François LYOTARD, le sublime et l’avant-garde,  L’Inhumain, Causeries sur le temps, Paris, Galilée, 1988. retour

[3] Jean-François LYOTARD, op. cit.  p102. retour

[4] Ibid.  p112. retour

[5] Ibid. retour

[6] Henri, MALDINEY, op. cit.  P317. retour

[7] Jean-François LYOTARD, op. cit.  p102 : « ce que nous n’arrivons pas à penser [à imaginer, en terme kantien]c’est que quelque chose arrive » (cf. chap. 1). retour

 

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