[. . . ] wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww « Amour », « Ki », « Dieu », « Principe Premier »…, autant de noms donnés à ce que nous ne savons saisir, chacun déterminant notre vie, tous masquant une incompréhension, un vide. wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww Vide que les humains ne semblent pouvoir s’empêcher de combler par un absolu, comme si la béance ouverte par une telle incompréhension appelait son opposé. wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww Et l’on pourrait presque dire que c’est sur ce constat que Malevitch a construit le Suprématisme tant le paradoxe du « quadrangle noir sur fond blanc », du « rien » image du Tout, semble participer de cette dynamique.

 

Philosophie ou linguistique ? wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww ww [ . . . ]

Or cette recherche, dont on aurait pu penser qu’elle conduirait au plus pur modernisme greenbergien, une fois absorbée par l’ontologie malevitchéenne, conduit du « signe pictural pur » à « l’être pictural absolu » puis à « l’être abyssal »,[1][2] de la partie au tout – si tant est que de tels « être abyssal» ne soient pas une façade bâtie face à la peur que nous éprouvons devant l’abîme qui ouvre nos recherches.

Pour autant, il n’est pas évident, comme l’écrit J.CL Marcadé, que « L’ontologie de Malevitch […] [soit] une justification de la pratique artistique suprématiste »[3] : Les deux, à mon sens, tout en se nourrissant de leurs différences, participeraient, plutôt, d’une dynamique commune révélant, par là, une œuvre complexe faite de bipolarités. Bipolarités au pluriel comme le montre l’analyse de Bruno Duborgel[4].

 

Icône

[ . . . ] wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww (Or) cette analyse, qui a le mérite de rendre évident, et par là incontournable, le lien qui unit l’icône et l’œuvre de Malevitch a ceci de gênant qu’elle s’appuie, justement, sur une lecture mystique de l’icône et sur une lecture du « carré noir » à travers la philosophie de Malevitch.

Toutefois, à partir de l’étude de B Duborgel il est possible de montrer (cf. chapitre précédent) comment l’icône et, toutes différences gardées, le carré noir « travaillent » sur la « mise en présence », nous en permettant ainsi une perception directement sensible. Wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww [ . . . ] wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww Reste que revendiquer une réception du carré noir comme seule « mise en présence » et avancer que cette même « mise en présence »  confère à ce tableau la charge de dire le « Rien » peut paraître paradoxal.

La présence c’est, d’une certaine façon, déjà plus tout à fait cette chose et c’est plus que cette chose. wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww Etre présent c’est se donner dans le silence de soi-même et ne pas avoir besoin d’autre chose pour être là, présent ; c’est se donner dans le « Rien ». [ . . . ]

 

Sans objet

[ . . . ] wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww « Le monde saisi en objet » c’est, pour notre malheur, ce qui nous dissocie du monde, mais c’est aussi, pour notre bonheur, notre chance : l’accès à la conscience.

« Le monde saisi en objet », Malevitch l’a compris comme une limitation de la perception : « Les objets ont fait naître les mots, ou le mot a fait naître l’objet[…] »[5] « tout est liée (et délié), mais rien n’existe séparément ; c’est pourquoi il n’y a pas et il ne peut y avoir d’objet »[6]

[ . . . ] wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww Le Suprématisme, dans son affrontement du «sans-objet » (sans objets et sans objet) ne peut s’apparenter à un quelconque nihilisme. Au contraire, il est une parade au nihilisme que pourrait engendrer l’abîme du « sans objet ». « Je me suis transfiguré dans le zéro des formes et suis allé au delà du zéro vers la création, […] vers le nouveau réalisme pictural, vers la création non figurative. »[7]

C’est là sa gloire et sa limite. wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww Sa gloire parce que Malevitch, absolutisant la question de l’imprésentable qui, aux yeux de Lyotard, est «[…] la seule qui soit digne des enjeux de la vie et de la pensée […] »[8] nous a légué, plus qu’une œuvre, une expérience. w Sa limite parce que à réinvestir « le sans objet » d’une transcendance il le perd. wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww [ . . . ]



[1] Jean-Claude MARCADE, op. cit., p14. retour

[2] ce qui n’était effectivement pas la recherche du modernisme. retour

[3] Ibid. retour

[4] DUBORGEL Bruno, Malevitch, La question de l’icône, St Etienne, Publication de l’université de St Etienne, 1997. retour  

  

[5] Kasimir MALEVITCH, Sur la poésie, Le Miroir Suprématiste, trad. J-Cl et V Marcadé, Lausanne, L’age d’Homme, 1977, p 75. retour

[6] Kasimir MALEVITCH, Dieu n’est pas détrôné. L’art. L’église. La fabrique, De Cézanne au  Suprématisme, trad. J-Cl et V Marcadé, Lausanne, L’age d’Homme, 1974, p150. retour

[7] Kasimir MALEVITCH, Du cubisme et du futurisme au suprématisme. Le nouveau réalisme pictural, De Cézanne au  Suprématisme, trad. J-Cl et V Marcadé, Lausanne, L’age d’Homme, 1974, p67. retour

[8]Jean François LYOTARD, Représentation, présentation, imprésentable, L’inhumain, causeries sur le temps, Paris, Galilée, 1988, p139. retour

 
Sans Objet